jeudi 20 juin 2013

La tête dans les nuages

A environ 60 km de Yogyakarta se trouve le volcan le plus dangereux et actif d’Indonésie : le Merapi. Ce dernier, culminant à 3000 mètres, fait des siennes tous les quatre ou cinq ans en moyenne, et la dernière éruption, en 2010, à tout de même fait 350 morts, de très nombreux blessés, et déplacé environ 320 000 personnes sur 6 mois ! Nous sommes en 2013, et comme nous envisageons d’aller y jeter un coup d’œil, nous croisons les doigts pour que le volcan n’abaisse pas subitement sa moyenne maintenant… :-)

Pas d’inquiétudes en fait, le volcan est très surveillé, encore plus depuis 2010, et des vulcanologues que nous avons rencontré nous ont assuré que le niveau d’alerte en était à 1 sur une échelle allant jusqu’à 4. Ouf. En fait le volcan a surpris tout le monde en 2010 car l’éruption ne fut pas effusive comme les dernières (lave qui s’écoule seulement), mais explosive, arrachant un pan entier de tout le sommet et produisant de gigantesques nuées ardentes (nuages de gaz, cendres et blocs de pierres à ultra haute température -1000° C-, avançant à la vitesse folle de 600 km/h et faisant instantanément tout brûler sur leur passage en descendant du volcan). Plusieurs villages ont été réduits en cendres. Pas super cool. Mais les gens des nombreux villages montagnards vivant  directement sur les flans de la bête n’ont pas l’air inquiets ou stressés quand on en parle avec eux, ils le prennent comme une fatalité et, lieu sacré, sa présence est une évidence qui ne se discute pas, faisant totalement partie de leurs vies. Il faut dire qu’ils en profitent en partie, car outre les retombées économiques du tourisme qu’il génère, il produit également sur le long terme une terre extrêmement fertile et propice à de nombreuses cultures (sauf lorsqu’il expulse trop de cendres… ) dont ils vivent.

L’ascension du volcan étant assez hard, il n’était pas possible de le faire avec des enfants, et on se posait la question de savoir si l’un de nous deux irait seul, lorsque nous avons rencontré un couple de français motivés pour le faire. Carine m’a gentiment proposé de garder les enfants, et je me suis donc lancé dans l’aventure depuis Yogyakarta avec finalement quatre autre frenchies : Bastien et Audrey, en ballade pour quelques mois, et Guillaume et Amélie, deux amis qui se font ensemble l’Indonésie après un an d’Australie. Nous ambitionnons de parvenir au sommet pour le lever de soleil, ce qui signifie un début d’ascension à une heure du matin pour être sûrs de ne pas le rater. Nous voilà donc partis en scooter de Yogyakarta aux alentours 14h, avec deux heures de route pour atteindre Dewa Selo, le village de montagne d’où partent les randonnées vers le sommet. Nous avions l’adresse d’un bon guide et voulions y arriver pas trop tard pour profiter des lieux de jour et pour se coucher tôt avant notre réveil nocturne. 

Premier problème : nous n’avions pas de carte car la route devait être facile à trouver. Mais Yogyakarta est une ville tentaculaire, et deux heures plus tard, nous en sommes toujours à ses portes après s’être perdus dans la campagne du mauvais côté, galérant pour essayer de se faire indiquer le chemin par des gens ne parlant pas un mot d’anglais.


Après une heure de galère en campagne, un garagiste nous improvise un plan pour essayer sortir de la ville sur la bonne route.



Nous trouvons finalement une âme charitable qui accepte de nous guider vers la bonne route, mais deuxième problème, nous réalisons qu’avec le temps perdu, nous allons finir la route de montagne de nuit, peut-être sous la pluie… Nous hésitons un moment, mais finalement, pas moyen d’abandonner piteusement de la sorte, on y va et nous verrons bien ! Comme prévu, la dernière heure de route fut assez épique, à négocier de nuit les virages glissants sous la pluie et dans un brouillard parfois très dense. Après quatre heures de scooter, nous arrivons donc soulagés au village visé car un peu fatigués, mouillés et refroidis (nous sommes déjà à 1100 m d’altitude). Nous trouvons facilement la maison du guide, qui nous montre la petite chambre dans laquelle nous dormirons à cinq, nous allons manger un gros plat de riz, puis nous rejoignons la chambre vers dix heures. Le temps est annoncé incertain, mais en contemplant le magnifique ciel étoilé au moment de rejoindre nos paillasses, nous caressons l’espoir d’une belle ascension et d’un ciel bleu le lendemain.


Yagi, notre guide, nous propose de nous cuisiner de l’agneau.

Les copains sont enthousiastes dans un premier temps mais l’état de la cuisine les refroidis. Dommage, moi j’aurais bien goûté ! Une fois bien cuit…



Les patates du coin.

Notre dortoir cinq personnes.





Une heure du matin. Toc toc toc ! Toc toc ! Le guide insiste un peu pour nous réveiller, les deux heures de sommeil sont passées vite... On s’habille rapidement car il fait frais et l’on prévoit dans le sac à dos de quoi se couvrir davantage car il peut faire moins de 10 degrés tout en haut. J’ai perdu mon seul sweet il y a quatre mois,  j’en ai donc emprunté un à Carine (je suis bien moulé !) et j’ai pris en plus mon top néoprène 1mm car j’ai peur qu’avec mon maigre coupe vent ça ne suffise pas. Un petit café, une banane, et nous sortons pour constater que le ciel s’est bien couvert, on ne voit plus une seule étoile. Mais nous partons tout de même gaiement à l’assaut des cinq ridicules petits kilomètres qui nous séparent du sommet. Ca parait facile dit comme cela, mais sur ces cinq km, nous avons aussi 1km 900m … de dénivelé positif. Autant dire que ça grimpe sec dès le début, et ce sans répis jusqu’à la fin. Quatre heures selon le guide, si on avance bien sans trop s’arrêter.

Nous avons commencé dans la forêt, à la que-leu-leu, dans de petits chemins caillouteux et ravinés, en surveillant nos pas à la lueur de nos frontales. Uniquement nous six, pas un autre touriste à l’horizon. Nous avons d’ailleurs toujours été seuls du début à la fin sur les pentes de ce volcan. L’humidité faisait ressortir l’odeur sauvage des sous bois, et, sous la forme d’un brouillard dans lequel nous pénétrions progressivement, nous fit rentrer rapidement dans le mysticisme de cette montagne sacrée. C’était assez magique d’avancer dans ce silence à cette heure-ci. Nous avons également rapidement quitté toutes nos couches d’habits, car l’effort assez intense nous donnait bien chaud. Après une heure et demie de grimpe, la pluie s’est malheureusement mise à tomber, d’abord doucement, au moment où la végétation se transformait pour laisser place à de petits arbustes. Avec le froid qui s’intensifiait, nous nous sommes recouverts. Puis encore une heure plus tard, en arrivant dans les roches volcaniques avec des passages vraiment raides, nous avons eu droit pendant trois quarts d’heure à un déluge rendant le sol glissant, avec en prime du vent. Tout le monde était trempé de la tête aux pieds, le visage fouetté par les gouttes, et on s’est demandé pendant un moment ce que l’on foutait là à se geler le cul, sans plus aucun espoir de pouvoir assister au lever de soleil. Nous avons courbé l’échine, continué à avancer patiemment, et heureusement la pluie a diminué en intensité, les nuages sont un peu remontés, et nous sommes finalement arrivés sur le plateau, à 2700m, en-dessous du dernier pic de trois cent mètres, après cinq heures de marche. Le soleil s’est levé dans ces eaux-là, mais malheureusement on ne voyait rien du paysage alentour, enfoncés que nous étions dans ces satanés nuages. 

Je suis monté sur le pic mais ai été obligé de m’arrêter environ cent mètres avant le sommet, qui était dans un brouillard impénétrable, rendant la fin de l’escalade (la fin est très très raide) trop dangereuse selon le guide. Je me suis alors assis seul pour goûter l’air pur et froid en écoutant le silence habité de ce sommet.  Si ces nuages et ce paysage lunaire d’altitude rendait les lieux impressionnants, c’est tout de même un petit regret que d’avoir raté l’occasion d’observer Java à 360 degrés depuis ce colosse qui la domine.



Voilà, le sommet est juste là, derrière les nuages.

Je me pose pour contempler...

car le sommet est définitivement impossible à atteindre.

Et j’admire le lever de soleil qui a duré peut être cinq secondes. Si si, regardez bien !


Yagi me rejoint et les nuages reviennent.

Mais on garde le sourire (enfin surtout moi sur la photo!)

L’équipe au complet, sur le plateau.




En redescendant sur le plateau, des volcanologues en mission étaient sortis de leurs tentes et nous ont offert le café en discutant avec nous du volcan pendant une petite heure. Super sympa ! Nous avons même fait les acteurs en marchant d’un air concentré vers le sommet. Une partie de leur travail consistait effectivement à produire un documentaire vidéo sur le volcan pour les élèves Indonésiens, et ils voulaient quelques images de touristes s’y rendant. Vus qu’ils n’étaient sur place que trois jours et que peu de touristes font l’ascension, nous serons peut-être sur les images ! 


Les volcanologues


La descente fut plus rapide et nous avons pu un peu plus profiter du paysage, mais elle nous a bien achevé les jambes.


Une crête sur le chemin du retour.

Au bout de la crête, on y voit toujours aussi bien pour attaquer la désescalade dans les rochers glissants. La galère.

On continue à descendre dans la bonne humeur.


Heureusement qu’il ne pleut plus aussi fort qu’à l’aller. C’était un peu dangereux.

Un peu plus bas, les nuages daignent enfin nous laisser entrevoir des bouts de ce que l’on a raté. Magnifique vallée.

Nous rejoignons la végétation pour longer cette crête.


Petit coup d’œil en arrière : on vient de tout en haut !

Rizières sur la montagne d’en face.

Nous sommes revenus à la civilisation : paysannes en plein travail.


Lavage de carottes au pied.

Des petits écoliers


Ils ont de jolis costumes!



Nous étions revenus en bas à 9h du matin, après 8h de sortie dont 7 de marche. Il ne nous restait plus qu’à rentrer sur Yogyakarta, après avoir bien commencé la journée !

Une fois revenus au village, nous pouvons enfin avoir une vue d’ensemble du volcan. On aperçoit au milieu la crête d'une des photos précédentes.

Sur le chemin du retour : les champs verdoyants sur les flancs du volcan.


Il y a encore un long chemin pour redescendre, et le paysage est magnifique tout du long.




On croise plein d’écoliers.



Un autre volcan

Ça y est, nous quittons le parc national.


Adios le Merapi !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire